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Ecoféminisme : un mouvement à la croisée du féminisme et de l’écologie

ecofeminisme

Né dans les années 1970, l’écoféminisme est un mouvement qui prône des actions non-violentes portées par des femmes en faveur de la défense de l’environnement. L’écoféminisme établi un lien étroit entre destruction de l’environnement et oppression des femmes, en identifiant la domination masculine comme principal responsable de ces maux. Ce mouvement s’est illustré en Europe, comme aux États-Unis, en Inde, et à travers de nombreux pays, et continue d’occuper une place centrale dans les luttes féministes.

Ecoféminisme : la naissance d’une idéologie pacifique

Pour comprendre les idées portées par l’écoféminisme, il faut tout d’abord faire un bond de plusieurs décennies en arrière et se plonger dans la lecture du livre « Le Féminisme ou la mort », écrit en 1974 par l’autrice Françoise d’Eaubonne. C’est elle, la première, qui articule la pensée écoféministe, dans cet ouvrage considéré depuis comme le premier manifeste du mouvement.

Dans son livre, Françoise d’Eaubonne fait le constat suivant : le monde devient de moins en moins vivable. Nos sociétés sont guidées par une croyance qui fait du progrès le but ultime en matière de développement. Cette course au progrès crée un « cycle infernal » de production-consommation entraînant pollution de la Terre, catastrophes naturelles, et problèmes de surpopulation.

Cette logique, explique l’autrice, est née d’une domination des valeurs patriarcales et capitalistes sur nos sociétés. C’est donc la domination masculine et ses idéaux qui conduisent à une exploitation déraisonnée de la terre et, in fine, à sa destruction.

Françoise d’Eaubonne établi un lien direct entre la destruction de la nature et l’oppression des femmes dans les sociétés patriarcales, puisque ces deux phénomènes trouvent leur origine au même endroit : la domination masculine. Ainsi, l’écoféminisme doit être compris à travers sa critique du patriarcat, c’est-à-dire du modèle sociétal de domination des hommes sur les femmes. C’est pourquoi les écoféministes considèrent que les deux combats doivent être portés par une seule et même lutte.

L’écoféminisme contre le nucléaire dans les pays anglo-saxons

Si le mouvement de l’écoféminisme trouve aujourd’hui un écho dans la société française, cela n’a pas été le cas à la sortie de l’ouvrage de Françoise d’Eaubonne. Ses idées se sont notamment heurtées aux idéaux féministes portées par des figures telles que Simone de Beauvoir, prônant une abolition des différences femmes hommes. L’écoféminisme est alors perçu comme portant un argumentaire politique « naturalisant ».

Il faudra donc se rendre outre-Atlantique pour voir les premières illustrations de l’activisme écoféminisme à la fin des années 1970. C’est lors de la catastrophe nucléaire de Three Mile Island que le mouvement s’exprime pour la première fois avec ampleur. Le 28 mars 1979, un accident se produit sur cette centrale nucléaire située en Pennsylvanie, entraînant le relâchement de radioactivité.

Suite à cette catastrophe environnementale, des centaines de femmes vont organiser des blocages, des sits-in, et autres manifestations pacifiques, et ce pendant deux décennies, pour faire naitre une prise en compte des risques du nucléaire.

Deux ans plus tard, c’est en Angleterre que le mouvement écoféministe s’illustre. Des femmes vont occuper pendant près de vingt ans un camp militaire pour protester pacifiquement contre le stockage des missiles nucléaires. Elles y fonderont la communauté Greenham Common, l’une des plus importantes communautés non-mixtes ayant vu le jour.

Lutte pacifique contre la déforestation en Inde

Dans la continuité de ces premiers mouvements, la pensée écoféministe continue de se développer. En 1980 est publié l’un des textes fondateurs du mouvement, le manifeste du Women’s Pentagon Action. Ce manifeste est rédigé par un groupe de 2000 femmes américaines qui protestent devant le Pentagone et disent craindre « pour la vie de cette planète, pour la Terre, et pour la vie de nos enfants qui sont notre futur ».

Aux États-Unis toujours, le mouvement va peu à peu être incarné par Miriam Simos, surnommée « Starhawk », qui donne à l’écoféminisme une tournure intellectuelle. Des années 1980 jusqu’à nos jours, Starhawk va profondément influencer la pensée féministe, en continuant à promouvoir la non-violence et en apportant une dimension spirituelle et néopaïenne à l’écoféminisme.

Peu à peu, dans les années 1990, l’écoféminisme va se répandre à travers le monde, prenant différentes formes selon les causes défendues, mais restant fidèle à son idéal de non-violence. On peut notamment citer le mouvement des femmes Chipko, en Inde.

Ces dernières ont marqué les esprits pour s’être enlacées à des arbres afin d’empêcher qu’ils ne soient abattus. Les actions de ce groupe de femmes, simples villageoises pour la majeure partie illettrées, ont permis l’instauration d’un moratoire de 15 ans sur l’abatage des arbres dans leur Etat.

Les femmes comme créatrices de ressources

Le mouvement Chipko va être soutenu par de nombreuses figures du féminisme, et notamment par la militante et écrivaine indienne Vandana Shiva. Cette dernière est devenue l’une des théoriciennes les plus importantes de l’écoféminisme. Les luttes de Vandana Shiva se portent contre les grandes industries agro-alimentaires et en faveur d’une agriculture paysanne vertueuse permettant l’émancipation des paysans.

Vandana Shiva reprend la thèse centrale de l’écoféminisme. Pour elle, il y a un lien évident entre la domination des hommes sur les femmes et la destruction de l’environnement. C’est la façon dont les hommes pensent leur rapport à la nature qui est à l’origine des déséquilibres. Les hommes voient en effet la terre et l’ensemble du vivant comme une ressource à mettre à leur service. Cela donne naissance à une agriculture agressive et une destruction des ressources.

Les femmes, comme la terre, sont créatrices de ressources, puisque ce sont elles qui enfantent et élèvent ensuite leur descendance. Elle possède donc une puissance productive biologique que les hommes tentent de s’accaparer et de mettre à leur service, par des mécanismes de domination et de contrôle. 

Se faire entendre « aux côtés des hommes »

Outre les premiers exemples anglo-saxons et le mouvement des femmes indiennes Chipko, de nombreux autres mouvements écoféministes se sont développés à travers le monde. En Équateur, un mouvement féministe de résistance populaire s’est organisé pour empêcher l’installation d’une compagnie pétrolière dans le village de Sarayaku.

Pour ce faire, des femmes ont organisé des manifestations féministes non-violentes, rédigées leurs propres résolutions afin de faire entendre leur voix « aux côtés des hommes ». Les femmes de Sarayaku ont notamment fait valoir le fait qu’elles étaient plus à même de négocier avec les autorités que les hommes, dont les actions risquaient de mener à la confrontation avec l’armée. Et de fait, elles ont obtenu des négociations de la part du gouvernement sur l’implantation de cette compagnie pétrolière.

Parmi les autres mouvements écoféministes à travers le monde, on peut encore citer celui des femmes soulaliyates au Maroc. Après dix ans de lutte pacifique, ces dernières ont réussi à obtenir en 2018 un accès aux terres égal à celui des hommes. Enfin, les mouvements de sorcières apparus récemment en Europe, dans la continuité des « witch » aux États-Unis, est aussi l’une des illustrations les plus récentes de l’écoféminisme dans le monde.

L’écoféminisme en politique en France

Bien sûr, l’écoféminisme a aussi ses détracteurs et fait l’objet de critiques tant par ses adversaires politiques qu’au sein du monde féministe. Les principaux reproches qui lui sont adressés sont d’une part sa dimension essentialiste et son mysticisme. Un certain nombre de courants féministes reprochent à l’écoféminisme de faire un lien entre femmes et nature, via notamment la maternité. D’autre part, la dimension spirituelle du mouvement est parfois mise en avant pour dénoncer un courant qui se voudrait « réactionnaire ».

Pour autant, l’écoféminisme continue d’exister et de s’illustrer de différentes manières. Il s’est notamment frayé un véritable chemin dans la pensée politique écologique actuelle en France. Lors de la COP21 sur le climat organisé à Paris en 2015, une journée de débats a été pour la première fois consacrée à l’écoféminisme.

En 2018, Ségolène Royal reprend le concept de l’écoféminisme lors de la présentation de son livre en déclarant notamment observer « une vraie ressemblance entre les violences faites aux femmes » et celles « faites à la nature ». Plus récemment, en 2021, l’activiste indienne Vandana Shiva était l’invitée de la conférence Women4Climate organisée à Paris ayant précédé la grève scolaire pour le climat du 8 mars.

Depuis, les conférences sur le sujet s’enchaînent un peu partout en France, permettant aux femmes de continuer à s’emparer du sujet et aux écoféministes de faire entendre des revendications portées désormais tout autour du globe.

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À propos de l autrice

Daisy Lorenzi
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