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Interviews : le bonheur est dans la céramique

3 femmes ceramistes

PART II / Celles qui travaillent la terre

Nos héroïnes passent leurs journées à tourner la terre, à façonner des objets, à remplir et programmer des fours, à émailler, à assembler mais il leur faut aussi communiquer, gérer, vendre et, surtout, continuer à créer… Trois femmes nous parlent avec un enthousiasme communicatif de leur métier qu’elles adorent !

Vivre de la terre

Sophie De Marchi, céramiste, a toujours eu une appétence pour le travail manuel et l’habitude de bricoler avec ses mains, pourtant, pendant plus de 30 ans, c’est au service numérique d’une multinationale qu’elle travaillait. Au détour d’une rupture conventionnelle, elle a eu envie de « passer à autre chose » et s’est tournée vers la céramique qu’elle avait déjà un peu pratiquée et pour laquelle elle avait eu « un gros coup de cœur ». Pendant 9 mois, elle se rend en cours pour préparer son CAP de céramiste, à Marseille, et comprend tout de suite qu’elle ne s’est pas trompée « J’étais heureuse tous les jours ! Enchantée ! J’avais soif d’apprendre ! Fabriquer un objet en céramique demande de multiples compétences, j’ai senti l’infini qui s’ouvrait ! »

Camille Esnée qui se définit comme designer maker via la céramique, a très vite su que c’était cet artisanat là qui l’attirait. Après un bac appliqué, elle obtient un diplôme de céramiste à l’École des métiers d’art de Sèvres puis suit un master en design d’objet. Une formation qui lui a apporté « le côté tradi des métiers d’art mais aussi la capacité d’analyse et une posture d’artisane. »

Nathalie Faure, céramiste et fondatrice d’Origines Créations, a travaillé pendant 15 ans dans le transport international avant de prendre un long congé parental pour élever ses enfants. Une fois ses enfants grandis, elle passe quelques années dans l’immobilier mais sent qu’il « lui manque quelque chose », Nathalie, qui aime la belle vaisselle, se rêve à l’idée de créer ses propres assiettes. Elle se décide alors à suivre une formation professionnelle dans un atelier de céramique d’Aix en Provence. Immédiatement, elle apprécie : « J’ai beaucoup aimé le toucher avec la terre, voir cette boule de terre prendre forme, l’objet qui se crée… J’ai trouvé ma voie, j’aime les différentes techniques, c’est varié et infini. »

Toutes trois reconnaissent le rôle joué par les réseaux sociaux pour se faire connaître au commencement de leur activité. De l’aveu de Sophie : « Savoir mettre en valeur des pièces, ce n’est pas évident, j’ai donc pris des cours de photo pour être la plus autonome possible. Instagram m’a beaucoup aidé à me faire connaître. »

Nathalie a pu compter sur le bouche à oreille au début mais c’est grâce à Instagram aussi que son travail a été repéré par Ma Maison France qui lui a proposé de la référencer.

Quant à Camille, une galerie Bruxelloise, Fracas, avait vu son travail et lui a passé commande puis les choses se sont enchaînées notamment avec Brutal Ceramics. Elle apprécie aussi les réseaux : « Une jolie communauté se construit progressivement. Ça permet d’asseoir sa capacité à faire aux yeux des autres, c’est une vitrine spontanée. »

Une des particularités de la céramique, c’est qu’elle permet de travailler différentes terres : grès, porcelaine, faïence et terre cuite. Chacune a ses affinités avec une matière en particulier. Nathalie aime beaucoup la porcelaine : « C’est fin, c’est raffiné et le blanc se suffit, il n’y a pas besoin de couleur. Cela étant, c’est fragile et on me demande davantage du grès et de la faïence qui sont des terres très résistantes, une fois qu’elles sont cuites. Ça plaît aux restaurateurs. »         

Le matériau de prédilection de Camille, c’est le grès blanc lisse et le grès chamotté : « Le grès est une matière intéressante techniquement, cela allie l’esthétique, la plastique et le pratique. » Sophie aussi apprécie de travailler le grès : « La cuisson est plus facile que la faïence, c’est solide et on peut poser des émaux différents. »

Une activité à différentes facettes

Quand on est céramiste indépendante, l’inspiration est essentielle : il faut sans cesse trouver de nouvelles idées, renouveler ou repenser certaines pièces, répondre à une commande…

Nathalie aime les univers sobres et trouve son inspiration tout autour d’elle, en regardant la nature, les animaux, les empreintes végétales mais aussi lors de ses voyages. La montagne Sainte Victoire d’Aix en Provence, près de chez elle, lui a inspiré une ligne noire toute simple dont elle a orné ses assiettes.

Pour Sophie l’inspiration vient de quelque chose de profond : « Chacun est construit de son histoire, il y a des strates qui s’accumulent et des choses ressortent. En ce moment, j’ai envie de rose, c’est la douceur, la gaieté… »

Camille nous confie que c’est le processus de fabrication qui l’inspire : « Ce n’est pas classique ! Je me fabrique des nouveaux outils et avec eux, j’obtiens de nouvelles formes, de nouvelles textures, pareil avec la fabrication de mes émaux, mes nouvelles couleurs vont donner lieu à de nouvelles idées. »

Après l’inspiration, vient le côté fabrication. On a des idées et des envies mais quels sont les critères pour les réaliser ? La résistance au lave-vaisselle est le critère commun à nos trois artisanes ! Camille nous explique que beaucoup de choses entrent en compte : « Je me projette dans l’usage, ça doit être parfaitement fonctionnel, c’est pour cela que je travaille, en détail, l’épaisseur, la résistance… »  

Sophie essaie toujours de faire quelque chose d’utile : « Je construis petit à petit, je fais beaucoup d’assemblage, j’ai un côté pratico-pratique. » Sophie, quand elle crée, réfléchit à une vaisselle « utilitaire mais jolie pour lorsque l’on reçoit du monde. Ce doit être fin et intemporel si on souhaite la transmettre à ses enfants. »

Un point difficile pour nos céramistes, c’est d’établir un prix. Comment fixer le tarif de chaque pièce ? Camille lors d’un stage dans un studio à Amsterdam a appréhendé la logique commerciale, aujourd’hui, elle se fixe un planning de production. « Il y a des objets plus ou moins rentables, j’essaie d’alterner afin de produire, dans la même semaine, des pièces rentables et d’autres moins, ça s’équilibre. » 

 Sophie s’est faite conseiller car pour elle « le temps passé ne veut pas dire grand chose, au fil du temps, on améliore notre productivité. L’inconnue, en revanche, c’est combien de temps vais-je mettre à vendre ma pièce ? Et à qui je souhaite la vendre ? J’adore quand on me prend une ou deux pièces et qu’au fil du temps, la personne revient pour compléter son service ! »

Nathalie essaie d’évaluer « le temps, le coût de la terre et de la cuisson, celui des émaux, les prix pratiqués par d’autres céramistes puis de trouver un prix moyen sans exagération. »

Le phénomène de mode

L’engouement suscité par la céramique ravit nos artisanes. Camille explique que la céramique permet « de lâcher prise, d’exprimer des choses. D’aller vers quelque chose d’instinctif. Les yeux, le cerveau et les mains sont parfaitement concentrés, ça permet de mettre toute son énergie au même endroit. » Selon Sophie, ce qui plaît : «  c’est de s’évader, il y a aussi le besoin de faire quelque chose de ses mains. Et puis on se décharge, on ne pense à rien d’autre. C’est un plaisir immense de réaliser une petite pièce. Tellement réjouissant ! »

Pour Nathalie, depuis la crise sanitaire beaucoup de personnes prônent un retour aux sources : « On a envie d’artisanat, de consommation locale, de choses simples, fabriquées en France mais il faut parfois être pédagogue car les gens ne comprennent pas toujours qu’on ne puisse pas obtenir les objets souhaités rapidement, on est tellement habitués à être livrés en 24/48h… »

Camille met cependant en garde les aspirant.e.s céramistes : «  La matière n’est pas dure comme en marbrerie ou ébénisterie, il n’y a pas de fusion, du coup, les gens pensent maîtriser rapidement les tenants et les aboutissants. Ils achètent des fours pour se lancer et se rendent comptent ensuite de la technicité demandée. Cela demande des années pour acquérir une certaine maîtrise. Si l’on veut se reconvertir, il faut se former le plus longtemps possible. » Sophie confirme : « Le tournage ne s’improvise pas, il faut vraiment prendre des cours sinon, c’est très frustrant. Il faut comprendre le fonctionnement de la terre. Puis expérimenter, recommencer, retravailler. »


Parsemer nos tables et nos intérieurs de beau-bon-bien fait, apposer de la douceur, respecter la rareté de la pièce unique, se questionner sur l’usage des objets, explorer de nouvelles formes, voilà ce qui anime avec passion nos héroïnes et les a conduit à l’épanouissement total.  

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À propos de l autrice

stephanie redactrice
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