PART I / Celles qui travaillent la terre
Longtemps cantonnée dans les buffets de nos grand-mères, la céramique sort du vaisselier, se dépoussière et s’affiche partout !
Tel un hymne aux pratiques ancestrales et un acte de rébellion contre l’hyperconsommation, aujourd’hui, créer soi-même ses tasses, ses pots de fleurs et petites assiettes est devenu très tendance. Décryptage de cette tendance considérée comme le yoga des mains.
Un art qui traverse les âges
Rien qu’à le prononcer, le mot céramique, qui vient du grec keramos et signifie argile, nous transporte en pleine Grèce antique, on visualise les amphores ou les pichets de vin richement décorés, les ateliers de poterie au bord de la Méditerranée et la fumée s’envolant des fours en tuiles servant à cuire de jolies pièces…
Tout au long de l’histoire, et partout sur la planète, on a travaillé la terre cuite avec des techniques variées, façonné des vases en laissant l’empreinte de sa région et de son époque et transmis ces richesses aux générations suivantes. Lors de la révolution industrielle, le savoir-faire se transfère de l’atelier vers l’usine et la machine à vapeur remplace la main de l’homme. Les céramiques sont alors produites rapidement, en grande série et de façon standardisée. Le coût d’un objet est moins important mais le charme n’est pas le même, au fil des décennies, la céramique tombe en désuétude jusqu’à être relayée au fond du placard.
Heureusement, la vie est un éternel recommencement et à l’heure de l’hyperconnexion et du rythme effréné, l’artisanat et notamment la céramique, font leur retour en grâce à travers plusieurs raisons.
D’abord, dans un contexte où la préoccupation écologique est plus soutenue que jamais, on délaisse les matériaux polluants créés par les humains pour se retourner vers des matières brutes. La terre fait partie de ceux-ci, elle est naturelle, recyclable, résistante et durable, façonnable à l’envie. En travaillant la céramique, on se rapproche de la nature, on revient vers la base et cela correspond bien à nos aspirations du moment.
Cet aspect s’accompagne aussi d’une lassitude voire d’un rejet des produits issus de la consommation de masse. Comme on l’évoquait ici, on aspire désormais à consommer moins mais à consommer mieux. Finies les tables avec la vaisselle uniforme achetée dans des magasins de déco grand public. On a désormais davantage envie de recevoir ses amis autour d’une vaisselle unique, de leur raconter comment on l’a chiné et d’exhiber ses minimes imperfections qui la rendent si particulière.
Les machines déversent des quantités d’objets absolument parfaits alors que l’artisan.e livre au compte-goutte des pièces qui ont mobilisé l’ensemble de sa tête et de ses mains. Or, c’est aussi dans les petits détails et les irrégularités que se nichent le raffinement, la singularité et la beauté d’une pièce. La simple vue de belles assiettes entraîne des envies de dîners de fête et transporte de joie, un petit supplément d’âme en somme.
L’éloge de la lenteur, l’appel de la matière
L’engouement est tel qu’un grand nombre d’adeptes de la céramique ne se contente pas de s’offrir un beau service, au détour d’un vide grenier ou d’un atelier prisé, mais souhaitent désormais fabriquer eux-mêmes. Là aussi, notre époque et son obsession du toujours plus vite n’y sont pas étrangers.
La céramique, c’est plutôt le culte de la patience : le processus est long et s’étale sur plusieurs semaines. Que l’on modèle sa pièce sur un tour de potier, qu’on la coule dans un moule ou qu’on la façonne à la main avec de simples outils, il faut d’abord de longues heures pour la mettre en forme. S’ensuit la période du séchage pour permettre à l’eau contenue dans l’argile de s’évaporer entièrement afin d’éviter que la pièce ne se casse lors de la cuisson ; en fonction de l’épaisseur de la pièce, cette étape dure de quelques jours à plusieurs semaines. Une fois sèche, la pièce part en cuisson pour une vingtaine d’heures, la température du four augmente progressivement, jusqu’à environ 1000 degrés, afin de ne pas risquer un choc thermique. A la sortie du four, la terre est figée, prête à être émaillée ce qui peut aussi prendre un certain temps selon la finesse des détails envisagés. Puis, l’objet repart en cuisson encore une vingtaine d’heures avant que le ou la céramiste puisse enfin avoir le plaisir de découvrir son œuvre. C’est donc un travail de longue haleine, ponctué par la minutie et l’attente, qui séduit celles et ceux qui sont inspirés par le mode slow life et n’en peuvent plus de la fast déco.
Si la céramique plaît autant, c’est aussi pour le contact sensoriel avec la matière, un vecteur de bien-être et de détachement à mille lieux des écrans. Les mains recouvertes d’argile, on connecte son corps et son esprit pour laisser s’exprimer sa créativité et entrouvrir sa sensibilité. On se reconnecte aussi à l’enfance grâce au côté régressif et réjouissant du travail de la terre. La satisfaction procurée est immense une fois que l’on a accompli une pièce du début à la fin, la fierté aussi.
Fort de cet engouement, un nombre croissant d’ateliers, de cafés poterie ou de concept stores autour de la céramique se sont ouverts ces dernières années et dans toutes les grandes villes, plusieurs établissements proposent stages, cours, team building à destination des adultes comme des enfants. Les plannings ne désemplissent pas, les cours se succèdent et il faut parfois patienter plusieurs mois sur liste d’attente pour décrocher sa première leçon. Les plus accros optent même pour un forfait mensuel d’accès à l’atelier, une sorte de résidence artistique.
La passion est parfois telle que des idées de reconversion naissent et donnent lieu à de nouveaux projets. Comme tout, ce métier s’apprend et mieux vaut bénéficier d’une solide formation pour ne pas rester au stade d’amateur. La demande d’inscription pour le CAP tournage en céramique explose, le diplôme n’est pas obligatoire pour ouvrir sa structure mais permet de rassurer les banquiers. En effet, le coût d’une installation est onéreux, si l’argile ne coûte quasiment rien, en revanche, les frais engendrés par l’achat du matériel, comme le tour de poterie et le four, sont importants sans parler du coût croissant de l’énergie, forcément conséquent quand on monte le four à des températures si hautes.
Se reconnecter avec la terre, laisser les minutes s’égrener, faire courir ses mains, dévoiler son inventivité, c’est revenir à l’essentiel, pas étonnant que la céramique procure autant de satisfaction.
Envie de s’initier ?
Quelques pistes d’ateliers par villes !
Paris : https://clay-atelier.fr/
Nantes : https://www.yadoni.fr/
Lyon : https://www.ateliermilo.fr/
Bordeaux: https://studioprimitif.com/
Toulouse : https://thecoul.com/
Marseille : https://www.les-degourdies.com/
Montpellier : https://www.claycraft.fr/ [… on se souvient du passage de Camille au micro de Minisauts, son portrait juste ici ]