PART I / Celles qui inventent des paysages
Imaginer des paysages avec pour terrain de jeu la nature à sublimer et ses milliards d’êtres vivants à protéger, c’est le quotidien d’un.e paysagiste. Un métier de plus en plus sollicité pour mener à bien la transition écologique sous ses nombreux aspects. Plus aucun projet paysager ne se soustrait à ce nouveau paradigme d’un monde plus vert pour la plus grande satisfaction de ceux et celles qui se sont toujours évertué.e.s dans ce sens.
Un métier multifacette
Quand on pense au travail d’un.e paysagiste, l’aspect esthétique tient une place importante mais c’est loin d’être la seule dimension investie. Bien entendu, la recherche d’harmonie et la création d’ambiance guident le/la paysagiste : offrir la beauté de la nature dans l’écrin d’un jardin, réjouir les yeux et procurer un sentiment de bien-être à celui/celle qui le contemple…
Cela étant, la fonctionnalité des aménagements est aussi primordiale. Quelle que soit la nature de l’espace aménagé, public ou privé, il doit répondre aux besoins des utilisateurs-trices. L’organisation de l’espace doit être harmonieuse afin qu’on y circule avec aisance. Esthétique et pratique mais aussi, évidemment, écologique. Il revient au paysagiste de jouer les premiers rôles sur le sujet du développement durable.
La sobriété s’est intégrée au schéma de pensée, il s’agit, déjà, de favoriser les cultures qui nécessitent peu d’arrosage et dont l’empreinte carbone est faible mais également qui résistent aux nouvelles tendances climatiques. L’autre point, devenu essentiel, c’est de réfléchir constamment à préserver la biodiversité, si menacée par toutes les formes de pollution. Bannir les engrais chimiques au profit du compost, opter pour la tonte raisonnée, installer des hôtels à insectes, planter une haie champêtre, organiser un paillage…
Si les paysagistes s’emparent avec ardeur de ces préoccupations c’est bien car le végétal est au cœur de nombreuses réponses pour combattre la pollution et le réchauffement climatique.
En intégrant ces dimensions écologiques aux nouveaux aménagements, les paysagistes peuvent, concrètement, participer à améliorer la qualité de l’air et réduire la température. La création de toits verts et de murs végétaux, par exemple, est une grande tendance qui se dégage notamment dans les grandes villes polluées. Ces jardins, parfois perchés ou verticaux, permettent de réduire la pollution et dans le même temps d’améliorer l’isolation thermique et sonore. En effet, en absorbant dioxyde de carbone et particules fines puis en rejetant de l’oxygène, la qualité de l’air s’en ressent. L’effet secondaire bienvenu, c’est qu’en procurant une meilleure isolation aux bâtiments, l’économie d’énergie est réelle.
La création d’îlots de fraîcheur, que ce soit à la maison ou en ville, est aussi un enjeu croissant pour faire face aux périodes de canicule. La mise en place d’espaces végétalisés avec point d’eau, différentes hauteurs de végétaux aux essences variées, de la peinture blanche, des sols davantage perméables et des matériaux bien choisis permet d’abaisser la température de plusieurs degrés. Un pari que les paysagistes souhaitent inscrire sur le long terme car il est estimé qu’un arbre mature peut apporter autant de fraîcheur que 5 climatiseurs branchés pendant 20 heures…
Les paysagistes le savent bien : la terre qui pousse le bitume et les végétaux qui délogent le béton rendent la ville plus respirable mais les bienfaits sont aussi psychiques pour la population… La nature est un puissant antistress et une invitation à ralentir pour les urbains chevillés à un rythme effréné.
Des études structurantes
Si les ingénieur.e.s paysagistes relèvent avec brio ces défis actuels et oeuvrent avec cœur pour rapprocher l’homme et la nature, c’est grâce à une formation pluridisciplinaire, longue et solide.
La connaissance du vivant et l’analyse de l’espace s’acquiert par un enseignement scientifique et technique pointu : les cours de biologie, d’écologie, de géologie, de botanique, de mathématique ou encore d’informatique se succèdent. Il faut être capable d’appréhender un terrain, de comprendre ce qui s’y joue et comment la nature s’y est organisée pour proposer sa transformation, son embellissement.
Il est aussi question de sciences de l’ingénierie en projet de paysage car la conduite d’un projet ne s’improvise pas et le/la paysagiste doit évaluer les contraintes, envies et besoins de son client pour apporter une solution adéquate. Les sciences humaines et sociales (histoire et droit de l’urbanisme, géographie, politique territoriale…) ne sont pas en reste et donnent des éléments pour s’imprégner et saisir la culture et l’histoire des paysages. C’est en connaissance de cause qu’on peut modifier sans dénaturer, créer sans heurter, concilier sans léser… Enfin, un socle artistique complet, avec des classes de photographie, de dessin ou d’infographie, entre autres, jalonne le parcours. Affûter l’œil, encourager la créativité, maîtriser le langage plastique permet aussi de fournir des clés pour concrétiser des idées.
Et comme le métier de paysagiste se passe, en bonne partie, sur le terrain, dès la première année, les étudiant.e.s et jusqu’à la fin de leur formation, sont invité.e.s à partir en stage car au-delà des enseignements théoriques, c’est les pieds ancrés dans la terre et les yeux posés sur la nature qu’on apprend le mieux.
Un milieu en effervescence
On en a souvent parlé, la recherche de sens et de reconnexion à la nature sont les quêtes de notre époque, et si un métier répond à ces aspirations, c’est bien celui de paysagiste ! C’est donc, en toute logique, que le secteur attire de plus en plus, que ce soit des jeunes en formation initiale ou des adultes en reconversion. Les profils se diversifient, les femmes se font plus nombreuses, les qualifications plus pointues et c’est tant mieux car les opportunités de carrière se multiplient. Que ce soit sur les marchés publics ou privés, le chiffre d’affaires du secteur est en pleine croissance depuis quelques années (plus de 6 milliards en 2020 selon Les Entreprises du Paysage) tout comme le nombre d’embauches de salariés qui a augmenté de 50% en cinq ans (source).
La vitalité du secteur est directement reliée à la prise de conscience grandissante des préoccupations environnementales, on ne peut que s’en réjouir. Encourager la biodiversité, magnifier la nature et œuvrer chaque jour pour célébrer le vivant, les paysagistes plantent le monde de demain et apportent amplement leur contribution pour qu’il soit encore plus beau.
Dans le second volet de cette série, nous rencontrerons des femmes qui nous parleront de sols, de saisons, de bien-être, d’évolutions et bien sûr, de plantations !
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