Lorsque vous achetez un produit en solde, vous avez probablement le sentiment de faire une bonne affaire. Pourtant, la réalité est bien différente. Les soldes ne sont plus ce qu’elles étaient à leur invention au 19e siècle, et sont aujourd’hui avant tout source de surproduction, de pollution, et d’exploitation humaine. C’est pourquoi il est temps de remettre en question cette pratique en disant au revoir aux soldes et en trouvant d’autres alternatives.
A l’origine parisienne des soldes
Saviez-vous que les soldes ont été inventées en France ? C’est Simon Mannoury, le fondateur de l’un des premiers grands magasins parisiens au 19eme siècle, qui a un jour l’idée de vendre au rabais les dernières pièces lui restant de la collection précédente, et ce, pour faire de la place dans ses inventaires. Très vite, les autres grands magasins parisiens tels que le Printemps ou la Samaritaine lui emboîtent le pas et c’est ainsi que les soldes sont créées !
En 1906, l’État français décide pour la première fois d’encadrer cette pratique, et au fil des décennies la loi va définir de façon plus précise ce que sont les soldes. Désormais, celles-ci ne durent que quatre semaines par an, sur des périodes flottantes (et non plus fixes, comme ce fut le cas pendant longtemps). Surtout, pour être soldé, le produit doit avoir été présent dans le magasin depuis au moins un mois et les ventes en soldes ne peuvent concerner que les produits présents en stock. Enfin, il est aussi interdit de réaliser la vente à perte.
Pourquoi les soldes n’ont plus lieu d’être
Depuis l’invention des soldes au 19ème siècle, nos habitudes de consommation ont énormément évoluées. Nous sommes passés d’une pratique visant à réduire les stocks à une pratique qui cherche à pousser à la consommation. La philosophie même des soldes est aujourd’hui remise en question, puisqu’elle entraîne surproduction, surconsommation, et exploitation des ressources.
Car notre consommation a bien changé. En matière de textile, en particulier. Nous achetons aujourd’hui 60 % de vêtements en plus qu’il y a 15 ans (les chiffres mentionnés dans cet article sont majoritairement issus des études réalisées par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – Ademe). En moyenne, un Français achète 9,2 kilos de textiles et chaussures par an. Or, ces produits ont aujourd’hui une durée de vie deux fois inférieure, ce qui pousse à les renouveler en permanence. C’est ce que l’on appelle la « fast fashion ».
En outre, le consommateur s’est habitué à acheter à bas prix, grâce aux soldes, mais aussi aux ventes privées, aux promotions et autres réductions que l’on retrouve tout au long de l’année. Il devient donc difficile de vendre un produit à un prix « juste ». Pour s’y retrouver, les marques gonflent artificiellement leurs prix tout au long de l’année, pour les baisser au moment des soldes. Dur de voir ici une quelconque bonne affaire pour le consommateur…
Les deux principales raisons de ne plus faire les soldes
Les soldes obéissent à une logique capitaliste qui pose des questions éthiques et engendre de véritables problèmes environnementaux. Cet impact écologique et humain sont les deux principales raisons pour dire adieu aux soldes.
⚈ La « fast fashion », l’une des premières sources de pollution au monde
En faisant les soldes et en achetant des vêtements à bas coût, vous participez à financer l’une des industries les plus polluantes de la planète. Chaque année, l’industrie textile émet 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre, soit 2 % des émissions mondiales. Ce chiffre est supérieur aux émissions produites par les vols internationaux et le trafic maritime réunis !
En outre, l’industrie textile consomme une énorme quantité d’eau potable. Cette industrie est le 3e consommateur d’eau au monde, après la culture du blé et du riz. Cela est en particulier valable pour le coton, un textile qui demande de grandes quantités d’eau douce pour sa production : produire un t-shirt en coton équivaut à prendre 70 douches. Or, c’est 17,7 millions de tonnes de coton qui ont été produites en 2015. Faites le calcul… Et surtout, imaginez la pression que cela représente sur les accès à l’eau potable, avec des détournements de rivières et l’assèchement des nappes phréatiques.
Enfin, la fast fashion, c’est aussi l’utilisation de pesticides, de polluants et de produits dangereux. 70 % des fibres synthétiques produites dans le monde proviennent du pétrole. Non seulement le pétrole est une ressource polluante et limitée, mais en plus, nos vêtements relâchent des microfibres plastiques à chaque lavage, qui finissent dans les océans et la nature. Il en va de même pour les teintures utilisées : celles-ci seraient responsables à 20 % de la pollution des eaux dans le monde.
⚈ Le coût humain de la production à bas coût
Les soldes, en engendrant une surconsommation et une surproduction, ont poussé les marques à trouver des moyens de produire toujours moins cher, au détriment du respect des droits humains. Ainsi, le prix que vous acceptez de payer pour un t-shirt fabriqué au Bangladesh profite avant tout au magasin et à la marque. Ceux-ci prennent en moyenne 70 % des bénéfices. 4 % seulement reviennent à l’usine et seul 0,6 % du prix est reversé au travailleur via son salaire.
Aujourd’hui, la majorité des marques qui pratiquent la fast fashion s’approvisionnent au Bangladesh. Cela représente 59 % des vêtements produits pour le marché européen. Or, un ou une travailleuse dans une usine textile du Bangladesh ne perçoit que 0,30 cents d’euros de l’heure, l’un des salaires les plus bas dans le monde. En outre, la main d’œuvre y est surexploitée, car elle ne bénéficie pas d’un encadrement des conditions de travail. Enfin, les travailleurs évoluent dans des usines en mauvaises conditions et les accidents industriels sont fréquents. Ils ont fait 579 victimes au Bangladesh entre 2009 et 2013.
Acheter moins mais acheter mieux
En raison des conséquences sociales et environnementales des soldes, il est urgent de dire non à cette pratique et de se tourner vers des marques plus éthiques et durables. La première chose à faire lorsque l’on souhaite acheter un vêtement ou un objet est de se poser des questions sur les pratiques de la marque : ses engagements sociaux et environnementaux sont-ils alignés avec vos valeurs ?
De plus en plus de marques françaises mettent aujourd’hui en valeur leurs engagements. On peut par exemple citer la marque de vêtements Aatise, qui se définit comme « Eco fashion activist ». De nombreuses enseignes reversent également une partie de leurs bénéfices à des associations dans les pays touchés par la surexploitation textile, comme la marque Coton Vert. La plateforme TRÈS Ecodesign propose quant à elle du mobilier, des objets design à très faible impact écologique ; à noter qu’il s’agit du tout premier éco-store du mobilier.
En outre, la meilleure manière de faire de bonnes affaires, c’est encore d’acheter durable. En effet, vous serez gagnant en achetant un t-shirt à 40 € dont la durée de vie est de plusieurs années, plutôt qu’un t-shirt à 10 €, abimé au bout de quelques lavages. Soyez donc vigilant sur la qualité et la durabilité des produits que vous choisissez.
La vente d’occasion, une réponse écologique aux soldes
Remettez également en cause vos propres habitudes de consommation et demandez-vous si vous avez vraiment besoin de cet achat. Autrement dit, ne cédez pas à l’achat compulsif. Pour éviter la surconsommation, certaines personnes décident aussi de n’acheter que si elles se débarrassent en contrepartie d’un autre vêtement/objet.
Mais attention, il n’est pas ici question de le jeter à la poubelle. Au contraire, vous pouvez le revendre ou le donner. En outre, acheter un nouveau vêtement ne veut pas forcément dire acheter du neuf. Faire des bonnes affaires peut se faire tout au long de l’année, en chinant dans les friperies, en faisant appel à des sites de ventes d’occasion, ou en échangeant entre amis. Enfin, n’oubliez pas que ce sont toutes nos habitudes de consommation qui sont concernées, et non pas seulement les industries textiles.