Il est de bon ton de s’afficher féministe et de soutenir ouvertement les femmes. Un point de vue de plus en plus souvent adopté par des marques diverses et variées. Nous sommes, chaque année, davantage exposés à des messages féministes à travers la publicité et les réseaux sociaux et il n’est pas toujours facile de faire le tri entre celles qui ont une prise de conscience et celles qui se donnent bonne conscience…
Féminisme : un concept moral bankable
Tout comme l’écologie, le féminisme est en passe de devenir une valeur contemporaine partagée par une partie croissante de la population. En effet, selon l’étude CSA, ce sont aujourd’hui 71% des femmes qui se déclarent féministes (+14 points par rapport à la même étude en 2016) et 64% des hommes (+ 19 points). La cause des femmes prend de l’ampleur, cela n’aura échappé à personne et surtout pas à de nombreuses marques qui se sont empressées de déverser des slogans féministes et de prôner la défense de la femme à tout bout de champ. Ce plaidoyer, en faveur de la cause féministe, invite à réfléchir et à s’interroger sur la sincérité des marques car il ne suffit bien évidemment pas d’afficher un slogan pour être féministe.
A l’image du greenwashing avec l’écologie, certains font du feminism washing : se donner une image positive en épousant la cause des femmes. Un positionnement dans l’ère du temps, opportuniste quand on sait que la consommation est de plus en plus moralisée. En effet, les consommateurs souhaitent davantage se tourner vers des sociétés qui correspondent à leurs valeurs et à leur vision du monde. Les entreprises cherchent donc pour se démarquer à ajouter une plus-value morale : une dimension plus respectueuse de l’humain et de l’environnement afin de répondre aux besoins des consommateurs qui désirent rester alignés avec leurs sujets de préoccupation.
C’est ainsi qu’un discours féministe est apparu dans les stratégies marketing et que le femvertising a émergé. Ce nom qui vient des USA est la contraction de feminism et advertising, il s’agit, autrement dit, d’élaborer un message publicitaire valorisant les femmes. Contribuer à scander des messages forts en faveur de l’égalité des genres, par exemple, même dans un but mercantile, a un intérêt : la multitude de discours féministe invite chacun.e à la réflexion et ancre le sujet dans une visibilité collective. La publicité est un moyen comme un autre de faire évoluer la société vers davantage d’égalité.
Ce qui est plus embêtant, c’est de constater que le discours est, pour certains, complètement creux et que rien dans la responsabilité sociétale de l’entreprise n’est cohérent avec les idées prônées. Quand on souhaite se faire passer pour un acteur responsable soucieux du bien-être des femmes et qu’on fait fabriquer son produit dans des conditions inhumaines, on a évidemment tout faux. A l’heure des réseaux sociaux, c’est aussi un calcul dangereux car si quelqu’un dénonce la supercherie, l’entreprise doit rendre des comptes et assumer le bad buzz.
Chaque entité peut s’emparer du sujet et faire avancer, à son échelle, la cause des femmes concrètement : établir une charte en faveur de l’égalité, afficher une politique de lutte contre les inégalités salariales, mettre en place un système pour dénoncer le harcèlement moral et sexuel, présenter autant de femmes que d’hommes au conseil d’administration, etc. La e-réputation des entreprises est une vitrine puissante et à notre époque, où la consommatrice est plus qu’avertie, la transparence et la congruence sont des stratégies payantes.
Certaines marques le savent bien et ont ancré dans leur adn la cause des femmes.
Des marques féministes à l’engagement musclé
Certaines marques n’ont pas les moyens de se payer des panneaux publicitaires 4×3 dans l’espace urbain pour afficher leurs convictions mais cela ne les empêche pas d’inscrire au cœur de leur projet des actions concrètes pour agir en faveur des femmes.
Mélisande Geldy, créatrice d’Iko&Nott, une marque de basket éco-responsable qui fabrique ses chaussures avec 100% de matériaux recyclés, est de celles-ci. Mélisande a rapidement compris, en se lançant, que « c’est plus compliqué d’être une entrepreneure au féminin ! Il faut davantage se justifier, on nous pose plus de questions ! Notamment quand il est question de lever des fonds… ». Mélisande a souhaité, dès le début de l’aventure, « mettre en avant les femmes et valoriser leur courage » Elle a donc confié la couture et le flocage des pochons qui accompagnent les baskets à un atelier de réinsertion de femmes, situé à Évry-Courcouronnes. L’association Coup de Pouce accueille des femmes ayant connu des problématiques diverses et leur propose d’élaborer un projet de réinsertion autour de la couture. « L’idée c’est que ces femmes apprennent un métier et qu’elles puissent ensuite intégrer plus facilement une entreprise et ainsi devenir autonome et indépendante .» Le choix de Mélisande n’est pas anodin et représente pour son entreprise un coût non négligeable : « Si je faisais fabriquer mes pochons en Tunisie, ils me reviendraient à 0,30 centimes l’unité, en les confiant à Coup de Pouce, cela me coûte 3,5€ par pochon. C’est une sacrée différence mais je souhaitais vraiment intégrer cette dimension à mon travail pour être en accord avec mes valeurs .»
Pour Jen Jallier, créatrice des bijoux La jungle, l’intention envers les femmes est très forte dans son processus de création : « Mes bijoux portent un message, à travers des symboles, je souhaite inciter les femmes à reprendre le pouvoir sur leur vie, à se libérer et à briser leurs chaînes. » Jen a toujours été sensible aux inégalités homme-femme : « J’ai lu des livres, je suis des organisations sur les réseaux sociaux, j’échange avec mes amis. » C’est donc tout naturellement que dès le début aussi, elle a souhaité reverser un pourcentage de ses bénéfices à Hands Away Paris, une association qui lutte activement contre les violences sexistes et sexuelles. La Jungle se veut résolument solidaire et engagée : « Lorsqu’on achète un bijou, ce n’est pas un achat de nécessité, on se fait plaisir, j’aime bien l’idée qu’à travers cet achat, on puisse aider quelqu’un. C’est pourquoi un grand nombre de mes collections fonctionne avec un système de dons. Je reverse un montant des ventes à des associations qui me tiennent à cœur comme Women for women, Femmes SDF ou Fondation des femmes, par exemple. »
On apprécie aussi la démarche de Gabriela qui a fondé Leonor Roversi, une marque de prêt à porter 100% éco-féministe. Des tee-shirts à messages forts, du coton bio, des coupes intemporelles pour toutes les morphologies, une collection capsule non genrée, des actions solidaires et des partenariats avec des associations en faveur des femmes, pas de doute, Leonor Roversi a bon sur toute la ligne !
Grâce à Mélisande, Jen et Gabriela, ce sont des dizaines de femmes qui ont pu être aidées et d’autres encore qui vont l’être grâce à leur générosité. A travers des actes tangibles, des efforts pragmatiques, on obtient des répercussions positives et réelles. Ces trois femmes nous prouvent que ce n’est pas la taille de l’entreprise qui compte mais l’authenticité de son engagement.