C’est un entretien qui s’est fait de manière libre et évidente avec Anne-Sophie Boucard. Designer de formation, complètement spontanée et sans filtre dans son langage, pragmatique et terre à terre dans sa façon à elle d’avancer et de faire ses choix, Anne-Sophie se laisse guider par son instinct et reste très attachée à son indépendance. Sa marque est à son image ; elle se caractérise par une approche identique à celle de la nature (brute, pure, durable), un design minimaliste élégant et poétique ainsi qu’une authenticité dans chaque pièce fabriquée en France de façon artisanale.
Il y a fort à parier que vous partagerez mon opinion à la fin de votre lecture : Anne-Sophie incarne entièrement ce qu’elle est ; elle incarne également ANSO Design dans son ADN, mais plus que tout elle incarne chacun de ses mots. C’est d’ailleurs la raison de sa difficulté à trouver parfois les mots justes et à trouver les mots tout court… à l’écouter, j’ai compris qu’ils sont à la meilleure place et à l’endroit le plus difficilement accessible, en elle. Place à l’interview ! Très belle lecture.
Bonjour Anne-Sophie, peux-tu te présenter et nous raconter ton histoire ?
Je m’appelle Anne-Sophie, j’ai 38 ans et je suis originaire de Bourges. Je suis partie vivre à Paris durant une quinzaine d’années et j’ai obtenu un master Designer en 2008. Cette année-là, c’était la crise, le marché du travail était très compliqué, j’ai donc fait le choix d’accepter des petits boulots pour me constituer une épargne et un capital dans le but de lancer un jour mes propres produits et ma marque.
En 2018, j’ai fondé la marque ANSO Design en tant qu’auto-entrepreneure. J’ai créé ma toute première collection en totale autonomie financière et coté production, j’ai été accompagnée par une entreprise espagnole qui a été séduite par mon projet et mes idées de produits. J’ai présenté et commercialisé mes premières créations à L’Île de Ré avec l’ouverture d’une boutique éphémère sur l’été, et j’ai renouvelé l’opération 4 années consécutives. Cela m’a permis de tester mes créations auprès du grand public et d’avoir un retour immédiat en matière d’appréciation et de satisfaction produit.
En définitive, mes pièces ont plu, tant auprès des particuliers que de certains professionnels, ce qui m’a rendu assez optimiste pour la suite. S’en est suivi le lancement de ma société et l’entrée officielle dans le réseau de distribution, c’était il y a 4 ans.
Peux-tu nous dire où tu es basée aujourd’hui et comment s’organise ton activité ?
Je suis actuellement basée à L’île de Ré mais plus pour très longtemps car la suite va s’écrire à Paris… j’ai décidé de partir dans les prochains semaines. Je vous fais cette petite révélation en exclu !
Je travaille essentiellement seule sur les aspects création et gestion globale ; quant à la production j’effectue de la sous-traitance avec plusieurs ateliers de production en France. Pour la majorité, ce sont des artisans indépendants. Cependant, je travaille aussi avec des sociétés plus industrialisées mais toujours à taille humaine et, pour certaines, familiales.
Je n’ai pas d’équipe en interne pour l’instant car je souhaite rester un maximum indépendante. Ce n’est pas dit que cela ne changera pas dans les prochains mois mais c’est comme ça que j’aime travailler, et c’est aussi et surtout ce qui correspond le mieux à mon caractère et ma personnalité.
Quels sont tes objectifs ou tes ambitions ?
Je n’ai jamais eu d’objectifs, rien n’était écrit et ça ne l’est toujours pas aujourd’hui. C’est peut-être un défaut mais je crois que l’essentiel est de se sentir avancer dans sa tête et dans son corps, d’être dans l’action, de se faire confiance dans les tâches quotidiennes et tout simplement se sentir à sa place, ici et maintenant.
Je dirais plutôt que j’ai des certitudes personnelles qui sont ancrées en moi, la première depuis toujours et la deuxième depuis l’adolescence : la création personnelle et l’indépendance professionnelle. Il est tellement plus simple de créer des produits pour soi, pour son plaisir, plutôt que de créer pour quelqu’un ; non pas inintéressant mais bien plus complexe.
Étant donné que tu travailles seule, arrives-tu à trouver du temps pour libérer ta créativité et exercer complètement ton activité de Designer ?
Techniquement, la création de mes pièces représente 10 à 15% de mon temps dans l’année. La réalité, c’est que je pense toute l’année à mes nouveautés, j’ai toujours de nouvelles idées et des envies créatives. Pour ne pas en perdre une miette, je me constitue une banque d’images, et je prends des notes que je mets de côté.
Entre les salons, il faut prendre le temps de travailler sur les nouveaux produits, mais lorsqu’on est dans le « jus » il faut vraiment s’organiser pour créer. Cela demande de la rigueur et beaucoup d’énergie pour enfin trouver ce temps si précieux.
La plus grosse partie reste évidemment la gestion administrative, les mails, les commandes, le suivi de production, etc. Mais bonne nouvelle, d’ici peu, grâce à ma nouvelle gestion et à une aide extérieure, je vais pouvoir me libérer du temps pour revenir à ce qui me fait le plus vibrer, la création.
Comment définirais-tu ton artisanat et ta démarche professionnelle ?
Complètement instinctif et spontané. La démarche d’entreprise n’était pas écrite sur le papier, en revanche tout s’est imposé naturellement. C’est le cas du Made in France par exemple. Il a fallu trouver des artisans pour chaque produit et chaque spécificité car ils ont tous leur corps de métier et c’est ce qui fait leur force en terme de qualité de travail.
C’était pour moi très important de travailler avec des personnes avec qui j’allais avoir une relation directe et intimiste mais aussi une relation de confiance et une excellente communication sur la durée. J’ai besoin que l’on m’explique concrètement la technique et le geste pour pouvoir dessiner au plus près du process de fabrication et d’assemblage. Cela n’a pas été un choix stratégique relatif à un effet de mode ou à une certaine image de marque à véhiculer, c’était tout simplement une évidence car je recherchais précisément cette relation de proximité dans la phase de production.
Concernant le stock, je sais que je ne veux pas produire en masse, mais au départ ça n’est pas par conviction écologique mais plutôt par conviction économique. Aujourd’hui on peut produire à la demande, donc le flux tendu s’est imposé à moi. Rien n’était calculé, rien n’était stratégiquement fixé dès le départ, ce sont des choix qui se font naturellement au fur et à mesure que j’avance. C’est de la logique économique et écologique en réalité
Que signifie pour toi l’équilibre de vie et comment s’illustre-t-il chez toi ?
Très honnêtement, je me réveille le matin, je me prépare et je prends mon café en lisant mes mails. C’est rapide, efficace et routinier, mais surtout il serait difficile d’imaginer démarrer autrement. Mes journées sont en effet chargées, donc au plus vite une chose est gérée, au plus vite je peux passer à autre chose.
Je n’ai clairement pas encore trouvé l’équilibre, je dirais qu’il y a du mieux car j’ai mes soirées à moi et je m’autorise les week-ends depuis peu. Pour le moment, le travail est omniprésent car c’est aussi ma passion. J’adore ce que je fais, donc je ne le vois pas comme un inconvénient, c’est plutôt l’entourage qui me rappelle de temps en temps de faire des pauses.
Le temps passe vite et je ne veux pas avoir de regrets. L’avantage d’être à mon compte c’est que dès que j’en ai marre de travailler je peux tout à fait me libérer une demi-journée. C’est moi et moi seule qui décide.
Quelles sont les valeurs qui t’ont toujours guidé ?
C’est très difficile à dire car je suis totalement spontanée et je ne retourne jamais vers mon moi intérieur et profond. Je suis quelqu’un de franche et transparente. J’ai un fort besoin d’indépendance et de liberté, c’est une certitude, et je crois que cela fait partie de mon ADN. Depuis l’enfance, j’ai toujours été créative et manuelle, je dirais que ce sont les qualités qui ne m’ont jamais quitté. C’est de famille ! Ma mère adore la poterie et la porcelaine et mon père c’est le bricolage. Mon frère est architecte. Finalement, quand j’y réfléchis et que j’observe bien, c’est bel et bien dans mes gènes !
Quelle est ta découverte du moment, celle que tu as envie de partager avec les lectrices et les lecteurs de Minisauts ?
J’ai découvert l’artiste Audrey Noël grâce à Wilo & Grove. Complètement autodidacte, elle peint, sculpte, grave et dessine. J’adore son coté graphique et minimaliste, c’est pour moi une artiste à part entière !
Merci à Anne-Sophie d’avoir accepté de répondre à mes questions ♡
Pour découvrir son travail et ses créations, c’est juste ICI
Composition illustrée signée Minisauts & Luluaucrayon