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MINISAUTS présente Audrey, brodeuse d’histoires

Potrait Audrey Demarre

Entretien privilégié avec la femme au fil et à l’aiguille, Audrey Demarre suit consciemment sa destinée et se laisse surtout guider par ses opportunités, ses envies et sa créativité. Son affection pour l’image et sa passion pour le textile l’ont doucement mené jusqu’à la broderie, une activité qui l’attire depuis l’enfance et l’anime de jour en jour. Mais cela va bien au-delà car elle apprendra que cette pratique est, en quelque sorte, ancrée dans « ses gènes », à travers des grands-mères et arrière-grand-mères brodeuses et sacrément talentueuses, probablement en quête d’aventures et de liberté à travers leur art. En acceptant l’invitation, Audrey nous partage une part de son histoire, son passé et son présent. Quant à l’avenir, il s’écrit au fur et à mesure… ne rien provoquer et ne rien bousculer, simplement être soi, faire ce qu’on aime et trouver sa place ici et maintenant, c’est certainement ce qu’il y a de plus important pour elle. Place à l’interview ! Très belle lecture.          

Bonjour Audrey, peux-tu te présenter et nous raconter ton histoire ?  

J’ai travaillé à peu près 20 ans dans l’édition. J’ai commencé aux Éditions de La Martinière en tant qu’éditrice de livres illustrés puis j’ai intégré Les Éditions Hoëbeke, devenus une filiale de Gallimard. Mon intérêt pour l’image était déjà là. Lorsque j’ai décidé de devenir indépendante, ça m’a semblé si naturel que j’ai regretté d’avoir tardé à sauter le pas mais finalement j’ai accumulé un incroyable réservoir d’idées et de créativité dans lequel je pioche pour mes projets de broderie.

Plus concrètement, aujourd’hui, lorsque je tire un fil et que je m’apprête à raconter une histoire, elle s’impose assez vite à moi et je le dois à ce passé riche en diverses expériences et belles rencontres. J’ai cette sensation d’avoir une multitude d’idées en tête (parfois trop !) pour les années à venir. Ma maman m’a dit cette phrase très juste « je pense que tu n’étais pas aussi prête avant », cela me permet de ne pas avoir de regrets.

Cela fait 8 ans maintenant que j’exerce la broderie et quand j’y repense, elle est arrivée un peu par hasard dans ma vie…
Je réalisais des illustrations pour My Little Paris, j’avais « carte blanche » et un jour il y a eu ce sujet sur Inès de La Fressange, j’ai alors attrapé du fil noir et du papier blanc pour dessiner sa silhouette et j’ai pris vraiment beaucoup de plaisir ! J’ai commencé à broder sur du papier, et j’ai eu l’impression que cela pourrait devenir ma valeur ajoutée. J’ai appris ensuite que toutes mes grands-mères faisaient de la couture, de la broderie et de la dentelle. Mon arrière-grand-mère Irma était une grande couturière à Paris, alors hasard du destin ou transmission spirituelle ? J’aime l’idée que je suis une tradition féminine familiale, sans pour autant avoir vu leurs gestes et leurs pratiques. J’ai trouvé ma voie d’expression, mon médium de prédilection.

Quelle est ta routine de travail ?

En parallèle de mon activité indépendante, je suis agent d’illustrateur, j’y consacre mes matinées et une partie de mes après-midi. Ensuite, je change de casquette et je passe à la broderie, activité sur laquelle j’ai 2 ou 3 projets tangibles (aiguille et fil à la main !). J’ai aussi une dizaine de projets dans la tête ! Je continue de broder tard le soir, pendant mes pauses dej et les week-ends.

Quels sont tes plaisirs et tes sources d’inspiration ?

Je me nourris beaucoup d’images grâce à Instagram principalement, j’y passe beaucoup de temps, peut-être même trop  !
Il y a une interaction et une belle émulation sur ce réseau. Les artistes que je suis, m’aident dans mes inspirations au quotidien, cela me stimule de voir que chacun avance sur sa route ; cela m’incite à être sur la mienne et à poursuivre mon chemin et mes envies. Je suis surtout sensible aux arts textiles créés en grande majorité par des femmes.

A côté de ça, j’aime beaucoup le cinéma, la photo et l’illustration.
Cela forme un tout qui m’inspire dans mes broderies ; j’en fais, en quelque sorte, une synthèse.
Mon moteur est de ne jamais refaire la même chose. J’aime passer d’un projet à un autre en laissant complètement derrière moi le précédent, j’adore rentrer dans la vie de quelqu’un d’autre et me concentrer sur son histoire ; c’est un travail, à mon sens, libérateur.

As-tu une grande liberté de travail ?

Oui complètement et c’est une grande chance ! On me laisse assez libre sur chaque projet, chaque thème ou sujet.
Mes propositions sont souvent acceptée donc c’est génial ! Je suis ravie de cet espace de liberté que l’on m’autorise et j’espère que cela va continuer !

Quel est ton lieu ou ton espace de travail au quotidien ?

J’ai récemment partagé un atelier en location avec mon amie Marion Dubier Clark, photographe et brodeuse. Cela a duré 3 mois, on l’avait même baptisé notre « résidence » ! Nous pensons renouveler l’expérience dès septembre. Actuellement, je travaille chez moi sachant que je vis dans un appartement parisien avec mon mari et mon fils. Mon activité et mes créations prennent beaucoup de place, je dois dire que je brode un peu dans toutes les pièces, heureusement ma famille est très compréhensive et ouverte par rapport à ça ! Pour donner un exemple concret, au moment des repas, je suis obligée de pousser ma broderie… (rires).

J’ai un bureau que j’utilise pour une partie de mon travail mais pour broder je ne m’installe pas sur une chaise et un bureau, j’ai besoin d’un espace où je peux m’étendre et adapter ma position pour qu’elle soit la plus confortable possible pour ma pratique. J’adorerais avoir un espace modulable et complètement adapté à mon activité, c’est une évidence !

Sur quelle matière brodes-tu ?

Je brode sur du papier ou du tissu, la technique et le rendu sont très différents.
Il peut s’agir d’un papier noir ou crème en fonction de la couleur des fils ou des tissus anciens, par exemple, j’adore les reprises ! En ce moment, je brode sur un drap qui a une histoire, je m’inscris complètement dans celle-ci, j’aime l’idée de continuer une création et me dire qu’après, il y aura peut-être quelqu’un d’autre qui la poursuivra.

Où achètes-tu ton matériel et les textiles ?

Je vais au marché Saint-Pierre (Paris 18e) pour les tissus et dans une petite boutique près de chez moi pour l’achat des fils, précisément rue des plantes (Paris 14e). De plus en plus, je commande sur Leboncoin, Etsy et Ebay, il y a des produits de bonne qualité et à moindre coût. Il y a surtout une vraie logique dans cette démarche : arrêtons d’acheter du neuf alors qu’il y a de l’existant ou de la seconde main qui peut être utilisé et qui a, bien souvent, une histoire et donc beaucoup plus d’intérêt.

As-tu envie de gagner en autonomie par la suite ? une embauche serait-elle envisageable pour toi ?

Cela me semble compliqué, pour l’instant en tout cas. Quand je prends une aiguille et un fil, je ne sais pas précisément où je vais… J’ai une technique très intuitive, ma pratique ne me permet pas de déléguer, je réfléchis dans l’action et dans le mouvement.

Pourquoi pas imaginer de travailler à deux sur une pièce ou interagir sur un même projet ? Cela me plairait. Pour l’instant, je fais des pièces uniques mais je n’exclus pas l’idée de travailler en séries un jour, il faudrait que je trouve le projet qui me parle et me stimule sur le long terme.

Que signifie pour toi l’équilibre de vie et qu’en est-il dans ta vie ?

Il est toujours difficile à trouver quand on a de multiples activités, c’est toujours insatisfaisant, j’aimerais toujours donner plus et être davantage présente pour chacun. Ma famille est partie prenante, elle m’encourage beaucoup. Il est certain que mon activité prend une grande place, mon mari et mon fils suivent inévitablement tous mes projets et mes créations de A à Z, ils en font naturellement partie. Notre équilibre c’est celui-ci pour l’instant.

A quoi ressemblent tes vacances dans tout ça ?

Mes vacances c’est surtout du temps pour broder. Cela me permet de rendre tous les projets dans les temps et d’accepter toutes les propositions que je reçois ; je n’ai, pour l’instant, pas refusé grand-chose.

Quelles sont tes activités préférées en famille ?

On passe souvent nos vacances au Portugal, on en profite pour aller à la mer et surfer.
On adore les musées, le cinéma et les restaus, surtout les restaus !

Quels sont tes rêves ?

A vrai dire, j’avais des rêves et il y en a plein qui sont en train de se réaliser… Je pense que la vie fait plutôt bien les choses !
J’arrive toujours à faire à peu près ce que je veux et j’espère que cela va continuer ainsi, avec cette part de hasard et de chance qui s’offre à chacun de nous.

Quel(le) est l’artiste que tu as découvert dernièrement et que tu souhaites partager avec les lectrices et les lecteurs de Minisauts ?

J’ai rencontré une fille géniale qui vient du sud de la France, son travail est à découvrir sous le nom de La filature. Sandrine Torredemer est brodeuse, elle a une technique tout à fait personnelle dérivée du patchwork. J’ai eu la chance de la rencontrer quand elle est venue à Paris et son travail m’a complètement galvanisé ! Voir ses créations de plus près et notamment les strats de tissus, le choix des matières et la façon de les utiliser, m’a bouleversé !

Merci à Audrey d’avoir accepté de répondre à mes questions 
Pour découvrir son travail et ses créations, c’est juste ICI

Composition illustrée signée Minisauts & Luluaucrayon

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À propos de l autrice

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