Un échange tout en simplicité avec Camille Lameynardie, aujourd’hui céramiste et fière de l’être. Ce petit bout de femme qui sait où elle veut aller car elle fait confiance à son cœur, celui qui ne ment jamais. Sa liberté et son besoin d’épanouissement se ressentent dans chacun de ses mots car le choix elle l’a toujours eu et elle sait que c’est ce mode de vie qui lui correspond le mieux. C’est aussi celui qui ne la décevra pas, car à tout moment elle sera libre de partir vers de nouveaux horizons.
En l’écoutant, j’ai compris que cette passion pour la céramique ne l’a jamais vraiment quitté, elle l’avait simplement laissé de côté par manque de finances ou de temps mais comme on dit, on revient toujours à ses premiers amours… Et ça n’a pas loupé ! Pour ce qui est de la vaisselle, je crois qu’elle ne s’y attendait pas mais c’est plutôt bien tombé et vous comprendrez pourquoi. Claycraft c’est aujourd’hui son goût pour l’unique, son besoin de s’inscrire dans du quotidien, son besoin de redonner du sens au temps, l’empreinte de sa main dans la terre… C’est un bon mix de tout ce qu’elle est et tout ce qu’elle aime. Place à l’interview ! Très belle lecture.
Bonjour Camille, peux-tu te présenter et nous raconter ton histoire ?
Je suis Camille, j’ai 36 ans et je vis aujourd’hui à Montpellier. C’est ici que j’entame une deuxième partie de vie personnelle et professionnelle. J’ai eu une première expérience professionnelle durant de longues années à Paris en tant que maquilleuse. Mais j’ai commencé la céramique quand j’étais petite, je m’en souviens encore j’avais 8 ans et c’était mon loisir. Toutes les semaines, j’allais dans un atelier pour pratiquer cette activité certes peu commune, mais c’était mon plaisir. J’y suis allée avec plaisir, toutes les semaines jusqu’à mes 18 ans où je suis partie vivre à Paris. A cette époque, faire de la céramique était une activité très coûteuse pour moi donc je l’ai donc mise de côté. La vie m’a mené vers toute autre chose professionnellement puisque j’ai passé 17 ans en tant que maquilleuse sur des tournages.
La céramique est revenue il y a 6 ans, au moment où j’ai mis de côté la sculpture. Reprendre cette pratique en créant des objets utilitaires, cela a provoqué en moi un déclic. Je me souviens très bien de ce jour-là, de retour d’un tournage, j’étais dans ma voiture sur le périph et j’ai repensé à cette journée… pas si bonne en réalité. Mon travail ne me plaisait plus autant. C’était une évidence, j’avais envie de faire de la céramique et précisément de la vaisselle ! Autour de moi, les gens n’ont pas compris mais au fond je savais où j’allais et j’étais sûre de ma décision. J’ai effectué des compléments de formation tout en continuant de travailler car m’arrêter n’était pas possible. C’était pour moi l’occasion d’en savoir plus pour me sentir légitime de me lancer seule. Finalement, j’ai réalisé que j’avais beaucoup de connaissances acquises au fil des années que je sous-estimais complètement.
J’ai alors lancé ma marque Claycraft. Pour moi cette combinaison de mots représente tout : Clay pour la terre et Craft pour l’artisanat. S’ajoute à ce nom un slogan signature Handmade with clay, time and love. Il explique clairement le travail que j’effectue à la main, avec de la terre, du temps (à double sens : pour le temps qui passe et le temps qui fait les choses), et de l’amour.
Pour commencer, je me suis installée dans un atelier que je partageais avec d’autres personnes. La marque a aujourd’hui 3 ans et, assez récemment, j’ai déménagé définitivement à Montpellier, c’était en juillet 2021. Ce changement m’a permis d’emménager seule dans un atelier et d’ouvrir ma boutique. Tout se passe désormais dans ce même espace et j’en suis très heureuse. C’est aussi devenu le lieu où j’organise des ateliers créatifs pour partager et transmettre ma passion. Quand je regarde en arrière, je me dis que tout s’est fait naturellement, sans pression ni obligation, et je suis ravie d’avoir abandonné les plateaux pour cette nouvelle activité qui me stimule quotidiennement.
As-tu une routine de travail ?
Ma routine est liée à un ensemble de choses. Je démarre ma journée par des tâches administratives, ce n’est pas le plus fun mais c’est la réalité de l’entrepreneuriat. Cela me permet d’avoir l’esprit libre le reste de la journée et de me lancer sur ce que j’aime le plus, le tournage. Je prépare mes balles de terre et je me lance sur le tour. Je vérifie mes mails de temps en temps pour répondre aux clients de la façon la plus réactive possible.
Je produis essentiellement en fonction de mes commandes, s’ajoute à cela la fabrication de pièces pour ma boutique. Je n’ai pas de stock, toutes les pièces disponibles sont exposées en boutique. Il y a un délai de commande que les gens comprennent très bien et j’en suis ravie car chaque pièce est unique et le client est d’autant plus satisfait de cela. Lorsque je tourne, c’est mon moment de pleine satisfaction et de kiff. Être la tête dans la terre c’est mon moment à moi, je m’y sens libre, heureuse et à ma place.
Malgré ce rythme soutenu et cette routine quotidienne, as-tu du temps pour créer ?
Justement, c’est le sujet du moment !
Petit à petit j’essaye de bien m’entourer dans mon atelier pour me libérer du temps et créer. Je n’arrive pas à créer à la vitesse à laquelle les idées fusent dans ma tête mais je tente de fonctionner par ordre de priorités et aussi selon mes humeurs du jour. Parfois, certaines idées sont tellement anciennes que je provoque les choses.
Dans mon processus de création, je me demande toujours comment une pièce peut s’intégrer dans le style de maison que j’aime. Personnellement, j’aime les maisons méditerranéennes, architecturales, dans lesquelles la matière brute est toujours mise en valeur.
Comment définirais-tu ton artisanat et ta démarche professionnelle ?
Je dirais que ma céramique est contemporaine et personnelle. Il y a une unité dans ma manière de créer et à travers mon univers de marque. En revanche, j’ai à cœur que chaque pièce soit différente et unique. La forme n’est pas régulière d’une pièce à l’autre, je façonne tout à la main et c’est aussi ça qui me plaît, l’importance des détails, ne pas retrouver la même inclinaison sur chaque rebord d’assiette par exemple. Il y a des petites variations qui sont précieuses, c’est aussi ça l’artisanat. Je développe des séries avec un poids et un format identiques mais le tampon, qui va venir personnaliser les pièces, sera à une hauteur différente, le travail manuel est libre et instinctif, je souhaite préserver cela. Chaque client sait que l’objet avec lequel il va repartir sera le sien, il ne retrouvera pas son semblable et c’est assez jouissif.
Pourquoi le choix de la vaisselle ?
Tout simplement parce qu’au moment où j’ai repris la céramique, je venais d’acheter une maison et pendant 10 ans j’avais consommé Ikea à outrance ! J’étais à la recherche d’autre chose. Honnêtement, c’est arrivé comme ça mais je crois que ce qui me satisfait profondément c’est d’être à l’origine de pièces qui sont utilisés quotidiennement. Parfois, on a de l’affection pour certaines pièces et pas pour d’autres, cela ne s’explique pas, c’est un ressenti personnel et moi j’ai envie d’être cette marque-là.
As-tu une grande liberté dans ton travail ?
J’ai toujours été freelance, c’est un modèle que j’ai choisi car la liberté est très importante pour moi. Aujourd’hui, je ne sers pas un projet, il y a juste moi et moi ! La réussite m’incombe et cela me convient. L’entrepreneuriat me satisfait au-delà de mon activité de céramiste.
Penses-tu avoir trouvé un équilibre de vie pro/perso ?
Il est compliqué à trouver surtout quand tu es à ton compte. J’aimerais le trouver davantage très prochainement. Je fais attention de ne pas me laisser submerger car c’est déjà arrivé. Une chose est sûre, j’aime me dire que mon atelier c’est ma vie pro et ma maison c’est ma vie perso. C’est important pour moi d’avoir deux espaces bien distincts et éloignés l’un de l’autre pour réussir à me déconnecter dès que je passe l’une des deux portes.
Récemment, je me suis un peu plus entourée parce qu’il y a un moment où la réussite signifie plus de demandes donc de commandes et fatalement il faut trouver plus de temps pour produire. Seule on atteint vite ses limites. Il est important de se décharger. J’ai aussi choisi de proposer des ateliers créatifs car je sais à quel point c’est plaisant et satisfaisant d’apprendre la céramique. Cela me demande du temps mais c’est un volet de mon métier que j’aimerais faire durer et pourquoi pas développer davantage. Si j’en reviens à l’équilibre, il est encore en construction, on se rappelle dans six mois (rires) !
Quelles sont les valeurs qui t’ont toujours guidé ?
J’ai toujours vécu en me disant qu’il fallait que je sois contente de ce que je fais chaque jour et d’être là où j’en suis. C’est aussi pour ça que j’ai délaissé ma première activité, je ne veux pas subir ma vie et avoir des regrets. Dans le pro comme dans le perso, j’ai cette même vision. Dès que je ne prends plus de plaisir, je sais qu’il faut que je change et dans tous les cas mon esprit est déjà ailleurs et amorce le travail de réflexion vers un renouveau. J’ai compris une chose essentielle, nous créons souvent nos propres limites, mais en réalité, la vie n’est pas si compliquée. Il faut juste s’écouter et se lancer. Et je suis persuadée qu’on a qu’une vie donc il faut kiffer !
Quelles sont les activités que tu aimes faire seule ou en famille ?
J’aime profiter de mes proches, aller voir la mer, la région dans laquelle je vis est belle et riche ! J’ai la chance de vivre en maison avec piscine, j’en profite pleinement, j’apprécie chiller au soleil !
Quelles sont tes perspectives d’avenir ?
Je réfléchis à changer d’espace car on est de plus en plus à l’étroit, mais j‘aimerais rester dans le même quartier. Il y a des choses que j’aimerais agencer différemment et adapter un peu plus pour les ateliers notamment. Par exemple, investir dans un tour supplémentaire : Aujourd’hui j’en ai deux et on ne pourrait pas en accueillir plus c’est certain. Si je réussis à trouver un local adéquat, l’offre évoluerait également.
Quelle est ta découverte du moment, celle que tu as envie de partager avec les lectrices et les lecteurs de Minisauts ?
Je repense à une petite virée dans le village d’Uzès dans l’est du Gard en Occitanie. J’ai adoré, j’en suis tombée amoureuse et j’incite tout le monde à aller le découvrir. J’ai aussi en tête une très belle expo sur la céramique au musée d’art contemporain de Montpellier, elle questionne sur les défis techniques notamment. Il y en a une autre que j’envisage d’aller voir d’ici la fin de l’été, toujours à Montpellier, il s’agit de l’expo photographie « Devenir. Peter Lindbergh » , j’ai hâte ! Je l’adore ! Il est pour moi emblématique dans son art.
Merci à Camille d’avoir accepté de répondre à mes questions ♡
Pour découvrir son travail et ses créations, c’est juste ICI
Composition illustrée signée Minisauts & Luluaucrayon