Les espaces de coworking continuent de se multiplier, à une époque où le travail à distance et en indépendant est de plus en plus répandu. Ces dernières décennies, des espaces de coworking exclusivement féminins ont également vu le jour. Ces communautés permettent aux femmes entrepreneures et indépendantes d’échanger sur leurs problématiques dans un environnement qui remet en question les constructions sociales et le sexisme au travail.
Le coworking, une communauté avant tout
Les premiers espaces de coworking ayant vu le jour sont nés d’une demande simple : celles des travailleurs et travailleuses d’avoir un endroit studieux et un tant soit peu chaleureux où brancher leur ordinateur portable. Mais depuis, les espaces de coworking se sont multipliés et ont bien changés. Ces lieux s’apparentent désormais plus à des communautés qu’à des espaces de travail. Et tout naturellement, pour faire face aux besoins et aux problématiques spécifiques rencontrées par les femmes dans le monde du travail, des espaces de coworking 100 % féminins ont aussi vu le jour.
Pour bien comprendre de quoi il s’agit et quel est l’intérêt de ces espaces, revenons un peu sur leur origine. C’est en 2005 qu’ouvre le premier véritable espace de coworking, à San Francisco, berceau des entreprises digitales. A l’époque, cet espace créé par le programmeur Brad Neuberg offre alors non seulement des postes de travail en Wi-Fi, mais propose également des séances de méditation et de massage.
Des États-Unis à la France
En France, il ne faudra attendre que deux ans pour que le premier espace de coworking voit le jour, non pas dans la capitale, mais à Marseille. Et très vite, ce type de lieux va se multiplier pour atteindre près de 3.000 espaces de coworking dans l’Hexagone en 2021. D’après une étude menée par la plateforme Ubiq, ces espaces ont augmenté de 60 % en seulement deux ans, montrant l’intérêt croissant que portent les travailleurs et les travailleuses indépendants pour ces lieux.
Plus récemment, la crise de la Covid a aussi accentué l’intérêt porté aux espaces de coworking en bouleversant les habitudes de travail de nombreux employés. En effet, en banalisant le télétravail, de plus en plus d’employés se sont retrouvés eux aussi à la recherche de nouveaux espaces de travail.
Si la majorité de ces espaces de coworking se situent aujourd’hui à Paris et en Ile-de-France (34 %), les grandes villes de province ont également toutes vues l’émergence de ces lieux communautaires, avec des espaces de coworking présents à Marseille, Lyon, Bordeaux, Lille ou encore Nantes. Ces lieux se veulent parfois même nomades. C’est le cas par exemple de l’Atelier Viking, une association pour l’entreprenariat féminin fondée par Romy Dupuis. Installé pendant trois ans dans des locaux dédiés de Nantes, Atelier Viking propose aujourd’hui des « coworking nomades » organisés dans des cafés de la ville.
Libérer la parole des femmes dans les espaces de coworking féminins
La spécificité d’Atelier Viking, comme d’autres espaces de coworking nés récemment, est d’être un espace de coworking réservé uniquement aux femmes. « Notre association pour l’entrepreneuriat féminin est née de notre envie de se réunir et de se soutenir entre femmes qui lancent et développent leur activité », explique la fondatrice d’Atelier Viking. « Car oui, l’entrepreneuriat peut parfois isoler » et l’existence de ce type d’espaces est d’abord né d’une volonté de rompre cet isolement propre à l’activité indépendante.
Mais à la différence des autres espaces de coworking, ceux réservés aux femmes se focalisent sur les problématiques propres aux femmes entrepreneures et indépendantes. Ces espaces visent à favoriser l’échange d’idées en permettant aux femmes de prendre la parole. Au sein d’un espace non-mixte, la parole des femmes se libère plus facilement, et leur permet d’exprimer leurs idées plus facilement.
« Chez Mona », un espace de coworking féminin situé au sein de la Cité Audacieuse à Paris, se décrit ainsi comme « un café associatif qui a pour but d’offrir un endroit bienveillant et sûr pour toutes les femmes et leurs projets ». Chaque mois, l’association soutient différents projets portés par ses résidentes, organise des ateliers pratiques, des formations professionnelles, des rencontres et même des clubs de lecture. Autre espace de coworking féminin, Bonnie&Smile, situé dans le 16 arrondissement de Paris, se décrit également avant tout comme « un lieu d’inclusion (…) qui valorise et accompagne les entrepreneur.e.s dans leur vie pro/perso et dans la transformation de leurs modes de collaboration ».
« Les femmes se fixent des objectifs plus ambitieux lorsqu’elles sont en compagnie d’autres femmes », explique Audrey Gelman, co-fondatrice de The Wing, l’espace de coworking réservé aux femmes le plus célèbre des Etats-Unis. Créé en 2016, The Wing est désormais présent à New-York, Washington DC, San Francisco, Chicago, Los Angeles, Boston et revendique près de 10.000 membres. Et malgré les frais d’adhésion annuels pouvant atteindre les 2.350 dollars, la liste d’attente pour rejoindre la communauté ne cesse de s’allonger.
Quand les espaces de coworking prennent en compte les problématiques féminines
Ainsi, le but de ces espaces de coworking féminins est de donner aux femmes l’opportunité d’évoluer dans un environnement « safe » et leur donner les chances de s’ « empouvoirer », c’est-à-dire de prendre leur autonomie et de s’épanouir professionnellement. Cela passe en grande partie par la création d’un environnement dans lequel elles se sentent libres de s’exprimer, du fait de l’absence des mécanismes d’oppression masculine que l’on peut encore retrouver dans le monde du travail et de l’entreprenariat.
Dans les espaces de coworking féminins, les femmes peuvent évoluer dans un endroit où elles n’ont pas à craindre le harcèlement ou le sexisme, quasi systématiquement exercé par des hommes sur des femmes. Un environnement non-mixte permet ainsi aux femmes de baisser leur garde et de concentrer leur énergie sur leurs projets.
Outre la libération de la parole et l’esprit de bienveillance qui se retrouve au sein des espaces de coworking féminins, ces derniers prennent aussi en compte d’autres problématiques rencontrées par les femmes, en tant que femmes et en tant que mères.
Cela passe par des choses qui peuvent paraître anecdotiques au premier abord ou d’un point de vue masculin, mais qui on en fait une importance significative, comme la mise à disposition de protections hygiéniques ou de salles d’allaitement. Or, dans le monde du travail, les besoins spécifiques des femmes et des mères sont rarement pris en compte, et c’est à elles que revient la charge de trouver les ressources pour y faire face.
En prenant en compte les besoins spécifiques féminins, et en sortant du schéma masculin qui domine encore le monde du travail, les espaces de coworking féminins permettent ainsi non seulement de donner plus de chances aux femmes de s’épanouir professionnellement, mais sont aussi un véritable outil dans le lutte contre le patriarcat.