On rêve, parfois, même peut-être un peu souvent, d’avoir une petite cabane à soi, un espace refuge… Un petit coin de la maison pour buller, peindre, méditer, s’évader, se blottir ou tout simplement travailler tranquillement, selon nos besoins et nos envies du moment. Un cocon, même s’il est tout petit, c’est la bonne idée pour s’apaiser, se recentrer et de ce fait, vivre encore mieux avec les autres.
Espace : un partage pas toujours égal
La survenue brutale du télétravail, lors du premier confinement, a révélé un enjeu de taille dans les foyers : la répartition de l’espace. Quand les réunions s’enchaînent pour les parents et les cours en visio pour les enfants, il est difficile de trouver une place à chacun pour travailler sereinement. Dans les faits, ce sont le plus souvent les femmes qui ne sont pas parvenues à s’isoler et ont travaillé dans les pièces communes. Cette étude Ipsos l’a révélée : les femmes sont moins nombreuses à disposer d’un espace personnel à la maison et quand elles occupent un bout de canapé dans le salon ou installent leur ordinateur sur la table de la cuisine, elles sont 1,5 fois plus souvent dérangées que les hommes.
En effet, dans de nombreux logements, les femmes sont cantonnées dans l’espace domestique quand les hommes ont, parfois, une pièce qui leur est consacrée. La question est en corrélation avec les loisirs : les hobbies masculins exigent souvent plus d’espace en raison du matériel (les outils de bricolage ont besoin d’un atelier, la console et les écrans d’une salle de gaming…) et les loisirs féminins sont parfois liés aux tâches domestiques (cuisine, couture…).
Cette répartition n’est pas nouvelle et les hommes ont depuis longtemps un avantage sur la question. A partir du XIXème siècle, des pièces supplémentaires sont apparues dans les maisons les plus bourgeoises : bibliothèque, bureau, petit salon… Ces espaces, prévus en retrait du reste de la maison par les architectes, ont été accaparés par les hommes car ils y exerçaient une partie de leur activité professionnelle. Les femmes, à cette époque, n’ayant pas le même accès aux professions intellectuelles, il était considéré qu’elles n’avaient donc pas la nécessité d’avoir, elles aussi, une pièce dédiée.
Plus tard, en 1929, Virginia Woolf dans son essai, Une chambre à soi, pointait d’ailleurs l’absence de pièce à soi comme l’un des facteurs pouvant entraver l’accès des femmes à l’éducation et à la production littéraire. L’idée étant que les femmes ne disposaient d’aucun espace pour s’immerger dans une longue réflexion, entreprendre des travaux de recherche ou coucher leurs pensées sur le papier. Virginia Woolf le pressentait déjà : avoir un espace à soi, c’est un signe d’indépendance intellectuelle.
Les bienfaits d’une pièce à soi
Depuis quelque temps, on entend parler du nesting, en anglais, faire son nid. Cette nouvelle tendance repose sur le bien-être global mais surtout sur le bien-être à la maison. Un des préceptes du nesting, c’est d’aménager son intérieur pour qu’il réponde à nos besoins et nos envies. La maison y apparaît comme un refuge, un intérieur qui nous ressemble, un lieu confortable et apaisant. L’idée, c’est que si l’on se sent bien chez soi, on se sentira mieux aussi avec soi-même.
Si la maison est vue comme un rempart face à la vie extérieure, un endroit qui nous sépare de tous ceux qui ne sont pas des membres de notre foyer, nous ressentons aussi parfois le besoin d’un lieu intime qui nous isole de notre propre famille. Le rôle d’une telle pièce, c’est de nous permettre de dire stop ou au moins pause. Avoir un espace personnel, c’est disposer de son temps, se retirer quand le besoin s’en fait sentir, c’est le droit de se rendre indisponible le temps qu’il faut.
Avoir une pièce dédiée, c’est aussi s’autoriser des moments pour s’adonner à ses activités détente sans avoir forcément besoin de tout ranger après. On peut y laisser en plan ses pinceaux, ses aiguilles, ses livres ou son tapis de yoga sans craindre que quelqu’un vienne s’en emparer ou nous fasse le reproche du désordre. Laisser libre cours à sa créativité et son imagination fait un bien fou et est un puissant relaxant.
Quand on se retire dans son espace à soi, on se permet tout simplement de s’y reposer, de laisser son esprit vagabonder, de faire le point sur ses émotions, de s’écouter, de se ressourcer, en somme de prendre du temps pour soi.
Pistes pour s’aménager un coin à soi
Évidemment dans de nombreux foyers, et notamment en ville où les logements sont plus exigus, il n’y a tout simplement pas de pièce en plus et chaque espace est commun à l’ensemble de la famille, ou au moins au couple. On peut pourtant tenter de se créer un espace personnel même dans une petite superficie. L’idée, c’est de s’approprier ne serait-ce que quelques mètres carrés pour installer son univers.
Une bulle à soi, ça peut être tout simplement un fauteuil douillet qu’on installe dans un coin du salon avec une jolie lampe, un plaid coloré et une toute petite table pour y poser livre et thé brûlant. On garde en tête que ce n’est pas la taille de l’espace qui importe le plus mais son confort, sa convivialité et sa personnalité. Plus l’espace est petit, plus on mise sur la personnalisation du lieu par la déco pour se l’approprier : plantes, tableaux, coussins, luminaires, tapis, photos…
On ruse et on cogite à comment investir des espaces, en général, peu utilisés : on peut, par exemple, installer un coin cocooning pour méditer sous l’escalier ou aménager les combles pour y créer un atelier.
En appartement, l’exercice est plus difficile mais des solutions sont envisageables : poser un paravent dans une chambre pour se délimiter un petit espace, matérialiser par une guirlande lumineuse un coin à soi, se bricoler un bureau dans le placard, s’offrir un lit en mezzanine pour récupérer l’espace en dessous, investir un coin de fenêtre ou encore poser un tipi !
La problématique de l’espace comme celle du temps sont intimement liées à la considération que l’on s’accorde. Lorsqu’on se crée son propre espace à la maison, on accepte d’avoir besoin de répit et on se le permet sans culpabiliser, en sachant que cela nous fera du bien de nous rendre dans cet espace à nous dans lequel tout redevient possible. Une façon de se ressourcer avant de se rendre à nouveau disponible.