Pendant longtemps, nous avons mis l’accent sur le développement de nos villes afin d’en faire des lieux de vie modernes et capables d’accommoder le plus grand nombre d’habitants. Mais dans la construction de ces mégalopoles, nous avons souvent oublié d’où nous venions, oublié notre lien essentiel à la nature. Et c’est précisément pourquoi l’idée de végétaliser nos villes s’est développée ces dernières décennies jusqu’à en devenir un combat, la guérilla verte.
Qu’est-ce que la végétalisation ?
De plus en plus, une majorité de citadins rêvent de quitter la ville pour s’installer à la campagne. Cependant, ce changement n’est pas toujours possible et la pression démographique ne fait qu’augmenter sur les zones urbaines. En 2050, sept personnes sur dix vivront dans les villes, d’après un rapport des Nations unies. C’est pourquoi un nombre croissant d’urbanistes mais aussi de simples citoyens tentent de faire plutôt venir la nature en ville afin de se réapproprier l’espace urbain.
On parle alors de la végétalisation des villes. Mais de quoi s’agit-il véritablement ? La végétalisation est en réalité un processus naturel, qui se fait de lui-même lorsque l’environnement s’y prête. Les espaces végétaux et la faune nécessaire à leur épanouissement se développent petit à petit d’eux-mêmes dans les environnements naturels. Mais en ville, les végétaux rencontrent béton et structures diverses sur leur chemin, ne laissant pas place à leur développement.
Dans ces milieux urbains bétonnés, la végétalisation n’est alors pas un processus naturel, mais une action volontaire et militante visant à réintégrer la nature au sein des villes. Il s’agit d’une technique de résilience écologique et naturelle qui vise à multiplier les espaces verts au sein de l’espace public, et permettre aux végétaux de « recoloniser » ces milieux.
Concrètement, à quoi ressemble la végétalisation ?
La végétalisation ce n’est pas simplement la création de parcs et d’espaces verts. Cela passe par une véritable colonisation du végétal de notre milieu urbain. Outre ces espaces verts que nous connaissons, la végétalisation prend donc aussi la forme de murs et de façades recouverts de végétaux, de toitures vertes, mais aussi d’installation de ruches sur les toits ou autres espaces.
La végétalisation, puisqu’elle vise à redonner sa place au végétal au sein des villes, passe aussi par l’augmentation des surfaces des espaces verts déjà existants et bien sûr, de leur entretien. Il s’agit également de repenser les voies de circulation, de donner plus d’espaces aux voies cyclables par exemple, et de réintroduire la nature sur les sites et les voies de circulations abandonnées (anciennes voies ferrées, anciens sites de dépôts, etc…).
De nombreuses villes sont des pionnières en la matière, avec la création de lieux emblématiques de la végétalisation tels que le « Gardens by The Bay » à Singapour et ses « Super Trees », structures recouvertes de végétaux et couronnées de panneaux solaires, pouvant atteindre jusqu’à 50 mètres de haut. Ou bien encore, la Forêt verticale de Milan, deux bâtiments qui regroupent à eux-seuls 20.000 plantes et arbres ! Et l’on retrouve ce type de projets même au cœur de la péninsule arabique, à Riyad en Arabie Saoudite, qui a pour projet de se végétaliser d’ici 2030 avec la création de 3.000 parcs urbains.
Pourquoi végétaliser nos villes ?
Mais alors quel est le sens de ces projets et de cette réintroduction du végétal au sein de l’espace urbain ? Loin d’être une lubie de « bobo » ou un simple agrément visuel, ces démarches de végétalisation visent à harmoniser la relation entre la nature et l’homme dans son habitat moderne et urbain.
Lutter contre la pollution
Les premiers bénéfices de la végétalisation sont avant tout une lutte contre la pollution. La réintroduction des végétaux au sein de la ville attire une faune d’insectes et d’animaux qui participent au développement de cette flore urbaine. Laquelle est en première lutte pour réduire la pollution et lutter contre le réchauffement climatique. Les plantes aident en effet à nettoyer l’eau, les sols mais aussi l’air que nous respirons dans nos villes. Elles absorbent une grande partie des particules polluantes que nous émettons et les transforment en oxygène.
La végétalisation des bâtiments permet aussi une isolation thermique très efficace, ce qui a pour conséquence directe de réduire la consommation d’énergie (avec moins de chauffage en hiver et/ou moins de climatisation en été). Ainsi, les îlots végétalisés créés au sein des villes ont le pouvoir de réduire la température des rues de 0.5 à 2 degrés Celsius, participant activement à la lutte contre le réchauffement climatique.
Vivre dans un habitat plus sain et moins stressant
En outre, en faisant reculer le béton, la végétalisation permet aussi de se prémunir contre les catastrophes naturelles, en particulier les inondations, puisque les végétaux aident à drainer les eaux de pluies. Les poussières sont également filtrées par les plantes, rendant notre habitat plus sain et plus respirable.
De même que les murs végétaux sont particulièrement efficaces en matière d’isolation thermique, ceux-ci offrent également une très bonne isolation phonique, permettant de lutter contre la pollution sonore émise par nos véhicules, par les bruits de travaux et ceux de la ville en général.
Enfin, la végétalisation nous offre également quelque chose de fondamental, puisqu’il est prouvé que la présence de végétaux permet une réduction du stress et de l’anxiété, et ainsi, une amélioration de notre santé mentale. En se reconnectant avec la nature, simplement par la vue, le toucher, et l’odorat, nous bénéficions directement de ses effets apaisants et bienfaisants.
Guérilla green : quand la végétalisation est militante
A première vue, la végétalisation s’impose comme une évidence sur laquelle nous devrions tous et toutes nous accorder. Mais si c’était le cas, nous aurions depuis le départ laissé place à la nature dans nos villes, au lieu de les étouffer de béton.
Un combat pour la végétalisation des villes
Ainsi, même si l’idée d’introduire des jardins et des promenades vertes n’est pas nouvelle (en France, on retrouve cette démarche architecturale depuis la fin du XVIe siècle avec l’arrivée du roi en ville), il faut attendre les années 1990 pour qu’une véritable prise de conscience s’opère. Celle-ci est corrélée avec la prise de conscience des enjeux écologiques et du changement climatique. Et c’est comme cela que vont se développer différentes politiques tout au long du XXIe siècle afin de réimposer petit à petit le vert dans nos villes. On pense notamment à la loi de reconquête de la biodiversité de 2016 et celle dite de Grenelle II de 2020.
Mais pour beaucoup, ces politiques ne vont pas assez loin. Un mouvement connu sous le nom de guérilla green (guérilla verte) ou guérilla jardinière, appelle les citoyens à s’emparer eux-mêmes de la problématique et se réapproprier l’espace public via l’agriculture urbaine. Et ce, via des actions pouvant être qualifiées de désobéissance civile pacifique. C’est dans les années 1970 que l’américaine Liz Christy a fait naître ce mouvement « green guerilla », à New York. Elle et d’autres habitants de Manhattan vont alors transformer un lotissement abandonné en jardin partagé, plantant la graine d’un mouvement international de semeurs qui cherchent à verdir nos trottoirs et nos allées.
Si l’on parle ici de guérilla, c’est parce que les personnes qui sèment ces plantes le font parfois sans autorisation, et donc, de manière illégale. Aujourd’hui, de nombreuses personnes se déplacent à travers les villes avec des semis, se filmant parfois pour encourager le mouvement. Or, ces espaces sur lesquels ces guérilleros plantent, qu’il s’agisse d’espaces publics ou d’espaces privés abandonnés, ne leur appartiennent généralement pas.
Mener une guérilla green à son échelle
Sans pour autant vous livrer à des actes répréhensibles, vous pouvez également participer à ce mouvement de guérilla green à votre échelle, en re-végétalisant votre environnement. Depuis 2015, les habitants de Paris et d’autres grandes villes peuvent s’adresser à leur mairie pour obtenir un permis de végétalisation. Que vous souhaitiez installer des jardinières mobiles ou planter des plantes et des arbres au pied de votre immeuble, votre projet doit simplement être motivé par le fait de ramener la nature dans la ville.
Et même si vous n’habitez pas au cœur d’une métropole, quand bien même vous soyez à la campagne, il est aussi possible de contribuer à ce mouvement via diverses démarches écologiques telles que l’utilisation de compost, la création de son jardin potager, la réduction de sa consommation d’eau et de produits phytosanitaires dans son jardin.
Et si vous ne savez pas comment vous y prendre, Minisauts vous recommande « Guérilla Green : guide de survie végétale en milieu urbain », un projet qui se décline à la fois en bande dessinée et en vidéos Youtube. Pour cet ouvrage hybride, l’artiste français dessinateur-chroniqueur Cookie Kalkair et l’agricultrice urbaine Ophélie Damblé se sont associés pour partager, de manière ludique, leur réflexion sur la végétalisation des villes et inviter chacun à y participer avec de petits gestes quotidiens.